La forme des ouïes que l’on retrouve sur la famille du violon sont très intéressantes. Outre leur silhouette particulièrement raffinées, la façon dont elles se déroulent a également une influence sur le son de l’instrument. Nous verrons d’abord comment les ouïes ont évolués sur les ancêtres du violon pour en arriver à leur forme actuelle. Puis nous déterminerons pourquoi elles ont une telle incidence sur la propagation des vibrations.

Ces ouvertures que l’on trouve de part et autre de la table d’harmonie se nomment aussi « f » (« ff » au pluriel). Cela en raison de la forme caractéristique qui évoque la lettre de l’alphabet. Il se peut qu’elles soient appelées indifféremment  au cours de cet article.

 

L’évolution de la forme des ouïes à travers les âges

Voici un dessin qui montre l’évolution des différents styles d’ouïes sur les ancêtres de la famille du violon.

En partant des formes des ouïes très simples du violon médiéval, lyre ou autre rebec, les luthiers sont progressivement arrivés aux formes complexes des ff modernes. Et ce dès le premier quart du XVIe siècle.

L'évolution de la forme des ouïes des instruments à cordes frottées européens.
L’évolution de la forme des ouïes des instruments à cordes frottées européens.

 

Cependant, qu’est-ce qui a bien pu motiver les fabricants à effectuer ces changements? Bien sûr, l’évolution des styles et la professionnalisation du métier sont pour beaucoup dans le raffinement successif des formes d’ouïes En effet, les formes globales de l’instrument à archet se complexifient au fil des siècles pour répondre aux critères des musiciens. On peut par exemple constater un amincissement de la partie centrale du violon, facilitant de ce fait les mouvements de l’archet.

D’autre part, les luthiers et musiciens ont constatés, probablement de manière empirique que ces nouvelles formes amélioraient considérablement la sonorité du violon. D’où cette évolution progressive.

En revanche, l’évolution de la forme des ouïes ne s’est jamais arrêtée, même sur le violon. On constate en effet d’infimes variations sur les « ff »  chez les fameux luthiers crémonais. Des changements qui ont eu toute leur importance sur la sonorité des violons, altos et violoncelles sortis de leurs ateliers.

 

 

Formes des ouïes et sonorité du violon

Des chercheurs ont constatés lors d’une étude récente que les violons produits dans les ateliers de la famille Amati, Stradivari puis Guarneri avaient progressivement évolués. De manière que les « ff » se sont retrouvés plus allongés. L’étude s’est faite sur presque 500 instruments produits dans les ateliers crémonais entre 1560 et 1750. Il en est ressorti que l’évolution des modèles s’est opéré par mutation naturelle successive, où dans ce cas là, par des erreurs de réalisation.

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La forme en f des ouïes, distinctive des violons, n’est pas le résultat de l’ingéniosité humaine. Mais celui d’une séries de mutations aléatoires

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C’est donc de manière empirique que les luthiers, aidés de leurs oreilles, ont pu déterminer que les violons sonnaient mieux dans certaines conditions. Ainsi, des ouïes plus allongées produisaient un meilleur son selon leurs critères. C’est pour ça qu’ils amplifièrent instinctivement ces traits.

 

Comment la forme des ouïes influence le son

Contrairement à ce qu’ont pu croire certains luthiers d’autrefois. Qui sont parfois allés jusqu’à élargir librement les ouïes de violons très anciens en pensant pouvoir amplifier leur son. Les ouvertures que sont les « ff » ne servent pas à évacuer le son de l’instrument. Comme ce serait le cas par exemple pour les guitares ou les instruments à vent. En fait, elles servent plutôt à faciliter la mise en vibration de la table d’harmonie. Il suffit pour le constater de tester la flexibilité d’une table avant et après la réalisation des ouïes. La différence est flagrante et de ce fait, une table percée d’ouïes aura une plus forte capacité à rentrer en vibration.

De nombreux facteurs vont également influencer sur le la sonorité finale d’un instrument. Leur longueur, mais aussi leur positionnement et plus particulièrement leur espacement.

D’autre part, il a aussi été déterminé par la précédente étude sur les instruments crémonais. Que les propriétés physiques qui amplifiaient le son des violons étaient directement reliées à la longueur de leur périphérie et non pas à leurs aires. Ainsi, le périmètre beaucoup plus conséquent d’un « f » double la puissance sonore de l’instrument comparé au cercle des instruments médiévaux.

 

Pour en savoir plus sur l’étude réalisée par les scientifiques sur la formes des ouïes du violon, vous pouvez lire cet article (en anglais).

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3 commentaires

  1. Une question sur le chanfrein intérieur des « ff »
    Améliore t’il la propagation du son ?

    1. En fait, faire un chanfrein sur à l’intérieur d’une ouïe est plutôt une mauvaise technique utilisée pour donner une apparence correctes aux tables mal dégrossies. C’est pourquoi je dirais que c’est mauvais signe pour la propagation du son car cela implique que la mise à l’épaisseur est bâclée.

  2. Bonjour,
    Merci pour cette article très intéressant sur la forme des ouïes, je me pose du coup une question : pourquoi la forme n’évolue plus depuis le 18ème siècle ?
    En Piano nous avons Stephen Paulello qui fait enfin évoluer les pianos après 100 ans de stagnation, et dans les instruments à corde ?