Nous sommes à présent en plein milieu d’événements sans précédent. Nous commençons peut-être à entrevoir le bout du tunnel, toutefois rien n’est plus incertain. Je n’ai pas encore eu le temps de réellement partager avec vous de manière concrète et approfondie ce que cette période a été pour mon atelier. Pourtant, je vais maintenant vous présenter ce qu’était la lutherie du confinement et comment j’ai traversé ces différentes étapes.

Avant toute chose, il fallait que je vous remercie tous pour le soutien que vous m’avez apporté, votre générosité et votre compréhension. C’est grâce à vous que j’ai pu et que je peux toujours continuer mon métier, ma passion jour après jour.

La lutherie du confinement et comment continuer à travailler
La lutherie du confinement et comment continuer à travailler lorsque tout s’arrête.

 

L’émergence et l’effondrement

Tout juste avant que le décret du 17 mars 2020 ne soit prononcé, je me préparais à me rendre en Corée du Sud. En effet, nous étions alors sur le point de concrétiser cet évènement à Séoul qui avait demandé six mois de préparation. Malgré la situation qui semblait avoir dégénéré depuis Daegu mi-février, nous étions déterminés à poursuivre celui-ci en suivant quotidiennement l’avancée de la pandémie sur place, et bien sûr à l’échelle internationale.

Alors qu’à l’époque tout le monde pointait du doigt la Corée comme étant le second pays le plus touché par le virus après la Chine et que la situation fut potentiellement dangereuse pour notre équipe, nous avions tout de même décidé de poursuivre au mieux… Au fil des jours, nous avons progressivement observé le changement de direction du vent, le déplacement des contaminations.

Enfin, le raz-de-marée est arrivé, submergeant l’Europe et la France, notamment en Alsace. Ce fût alors vers nous que se pointèrent tous les doigts. Une brise glacée à la sortie de l’hiver qui figeait tout sur son passage.

Aux confins du monde pendant le confinement

Voilà ce que j’ai compris au milieu de la journée du 16 mars 2020 lorsque l’Eurométropole me contacta, seulement quelques jours avant mon départ :

  • Toute la France serait sous blocage, ce qui impliquait donc l’impossibilité de se déplacer.
  • Tous les commerces non essentiels (comme les ateliers de lutherie) n’étaient plus autorisés à recevoir leurs clients.
  • Dans mon cas particulier, mon bâtiment serait également condamné et je n’aurais donc soit disant plus l’autorisation de retourner ne serait-ce que travailler dans celui-ci.
  • Il serait enfin impossible de se déplacer dès le lendemain à partir de midi.

Il ne me restait donc plus que quelques heures et il fallait que je prenne une décision. Selon tout les critères qui m’étaient exposés, j’aurais eu beaucoup de mal à continuer en restant ici. C’est pourquoi j’étais résolu de rassembler rapidement mes affaires et d’essayer quand même de partir vers la Corée avant que le territoire ne soit entièrement bouclé.

Après tout, quelle option me restait-il puisque je n’aurais pas pu travailler ?

 

Bloqué dans les Vosges, haut lieu de la lutherie

C’est ainsi que je me suis précipité avec mes outils, quelques instruments et archets dans mon coffre pour me rendre à l’aéroport où j’avais trouvé un autre vol de dernière minute. Toutefois, en pleine route, je reçus une notification pour me dire que le vol était annulé. Je m’arrêtais alors pour trouver une solution alternative, mais tous les départs disponibles disparaissaient à vu d’œil. Ceux qui restaient néanmoins visibles étaient à des prix qui frôlaient l’indécence.

Alors que la nuit était déjà bien avancée, je décidais de m’arrêter dans les Vosges. Pensant que le sommeil porterait conseil, je fermais alors les yeux, emporté par la fatigue.

 

Le lutherie du confinement ou le chaos moderne

Après quelques jours qui n’étaient vraiment dédiés qu’à la compréhension de ce qu’il se passait, Je mis un terme définitif au projet en Corée. Pourtant, j’avais obtenu un vol qui nous aurait transporté sans problème et à un prix tout à fait correct. Malgré tout, je ne pouvais me résoudre à faire prendre le moindre risque à l’équipe… Le plus dangereux était alors ces voyageurs qui voulaient rentrer chez eux, dans une atmosphère de panique et de chaos.

Les aéroports étaient donc devenus les lieux les moins accueillants…

C’est alors qu’il fallu se rendre à l’évidence, se soumettre au confinement et continuer tant bien que mal de travailler. Mais les conditions ne s’annonçaient pas évidentes.

 

La lutherie du confinement, qu’est-ce que c’est

En fait, ma vie n’a pas réellement changé avant et après le confinement. Bien sûr la distanciation n’est pas forcément ce qu’il y a de plus évident pour les êtres (plus ou moins) sociables que nous sommes. Mais, comme je travaille principalement seul, je peux dire que mon quotidien n’a guère changé.

Les inconvénients du confinement

Tout d’abord, il est vrai que ce confinement a un impact direct sur nos vies. Voici donc les principaux points négatifs qui ont affecté mon travail :

  • Je n’avais dans un premier temps plus accès à mon atelier, à cause de cette interdiction de pénétrer dans mon bâtiment. Cette situation s’arrangerait deux semaine plus tard grâce à l’intervention de la CMA. J’ai ainsi pu reprendre mon activité mais sans toutefois pouvoir recevoir quiconque.
  • Il me fallait procéder à de nombreuses expéditions, mais la plupart des transporteurs ne fonctionnaient plus comme d’habitude. Il y eut donc de grosses pertes de temps pour les livraisons, autant nationales qu’internationales.
  • Enfin, je dirais que le plus gros impact est la baisse d’activité. C’est évidemment plus difficile de commercer sans que nous puissions nous rencontrer !

Les avantages du confinement

C’est vrai que je parle des quelques inconvénients d’une telle situation mais je dois aussi parler des bons côtés. En effet, même si la situation est difficile, il y a quand même un certain nombre de points positifs :

  • Premièrement, la baisse d’activité me permit de me concentrer sur d’autres projets que je laissais de côté depuis trop longtemps.
  • Ensuite, je dois dire que vous avez été nombreux à continuer à me faire travailler à distance. Je vous remercie tous pour votre soutien !
  • D’autre part, il y a tout un aspect de ma vie personnelle que j’avais laissé de côté durant les derniers mois, qui se sont ensuite transformés en année… Sans que je puisse m’en rendre compte. C’est pourquoi changer toutes ces habitudes me donne également l’occasion de réintégrer des habitudes perdues. Ces ajustement sont finalement plutôt bénéfiques pour préparer le futur !
La lutherie du confinement et ses projets inhabituels
La lutherie du confinement et ses projets inhabituels, en effet je n’aurais d’habitude pas le temps de m’occuper de tels violons.

Ce qu’ils se passe concrètement à l’atelier

En fait, l’activité de l’atelier continue de rester la même, aussi bien pour la boutique en ligne que la fabrication, la réparation ou tout autre préparation de produits. Seul les délais peuvent être un peu aléatoire en fonction du bon vouloir des transporteurs.

C’est pourquoi vous pouvez sans aucun problème profiter pleinement de mes services même pendant le confinement. Il faudra tout de même se soumettre aux différentes restrictions durant cette période qui n’a encore aujourd’hui aucune durée déterminée.

 

Est-ce que la pandémie va détruire la lutherie

Il est difficile de décrire les effets que pourront avoir cette crise sur le long terme. Bien sûr, les principaux demandeurs des services des luthiers sont les musiciens, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Et comme tous les concerts ou les cours ont été supprimés, il est évident que tous les acteurs du monde de la musique seront touchés. Je vois beaucoup de titres dramatiques dans les articles de journaux au sujet de la lutherie mais peut-être que le réel drame ne se fait pas encore sentir. Peut-être est-il même en fait bien différent de ce que nous envisageons.

Toutefois, là encore, je voudrais balancer ces premières impressions et partager avec vous mon expérience personnelle de cette période de confinement.

En effet, cloîtré chez soi et se retrouvant à réorganiser le contenu de leurs journées, de nombreux violonistes, altistes ou violoncellistes se trouvent une nouvelle vocations. Ainsi qu’ils découvrent complètement l’instrument, ou qu’ils le retrouvent après de nombreuses années d’arrêt… Cette période a peut-être également apporté un renouveau d’intérêt pour des disciplines artistiques telle que la musique.

Je ne suis absolument pas un expert ou un sociologue, et je vous relate simplement les faits qui se présentent devant moi au quotidien.

La lutherie du confinement et ses instruments
La lutherie du confinement et ses instruments

La lutherie du confinement, est-ce la crise ?

Personnellement, je pense que ces nouvelles conditions sont un test d’adaptation. En effet, ce n’est pas la première fois que la lutherie traverse une crise. Et d’ailleurs, il y en a de nombreuses, surtout de nos jours où le monde change tellement vite. Toutefois, je pense que la profession n’est pas particulièrement en péril, et ne le sera jamais réellement.

Par contre, il y a aura probablement de nombreux changements dans le monde, peut-être même forcés. Mais il est difficile de savoir lesquels à l’heure actuelle. Peut-être que comme beaucoup d’entre nous semblent le penser, c’est le bon moment pour envisager notre quotidien de manière différente.

Premièrement, le fonctionnement de notre manière de consommer risque de changer profondément. Non seulement parce que la majorité des produits à bas coût qui se vendent de nos jours proviennent de Chine. Se rendre compte qu’un fonctionnement en flux tendu sur des distances aussi importantes n’est pas forcément la bonne option lorsque les frontières sont imperméables.

 

La lutherie du confinement, cela dure depuis des années

En fait, cela n’affecte pas réellement les fabricants et réparateurs d’instruments qui se concentrent sur le très haut de gamme à l’échelle nationale ou internationale.

Toutefois, tous les magasins de musique dont le négoce se fait principalement sur la vente de produits d’importation à bas coût risque peut être atteint.

 

Se passer de la production chinoise ?

En fait, cela va beaucoup dépendre de comment les relations internationales vont évoluer avec la machine chinoise. De même, de quelle manière va évoluer la situation sociale dans le pays ? Car même si tous les voyants semblent être au vert, beaucoup suspectent la propagande de fonctionner à plein pot alors que sur place la situation ne semble pas être tellement maîtrisée. D’un point de vu sanitaire, peut-être mais qu’en est-il des mouvement sociaux ? Qu’en est-il de la hausse du taux de chômage, de la baisse de l’exportation et même des relations internationales.

En fait, pour ne pas paraphraser Socrate, la seule chose que nous savons, c’est que nous ne savons rien.

 

Se préparer pour la suite

En fait, je ne sais pas si les derniers événements vont changer notre façon de fonctionner. Mais il est évident que se pencher sur la question pourrait être un sujet intéressant. En effet, pourrions-nous songer à nous passer de la Chine et de sa production à un coût dérisoire ? Une énorme quantité d’instruments de musique se construisent là-bas. Quelques foyers persistent toutefois en Europe, mais en France les ateliers de Mirecourt ont cessé de fonctionner depuis bien longtemps.

En tout cas, peut-être que les études qui seront menées par la Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale permettront d’y voir un peu plus clair.

Maintenant, que pensez-vous de tout cela ? Comment voyez-vous le futur, seriez-vous décidé à faire changer les choses ? Ou préféreriez-vous retrouver le monde tel qu’il était avant ?

Je serais heureux de pouvoir en discuter avec vous alors n’hésitez pas d’en discuter dans les commentaires. J’ai un peu réfléchi à la question et j’espère entretenir avec vous des échanges très constructifs !

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3 commentaires

  1. Bonjour Guillaume,
    Je fais partie de ceux pour lesquels la crise sanitaire et le temps de confinement imposé ont été les éléments déclencheurs d’un retour à mon instrument de musique de coeur, le violon. Cela faisait plusieurs années que je tournais autour de cette idée de reprise, sans jamais franchir le pas. Je jouais de la guitare. Du piano. Je m’essayais au synthétiseur. Mais je gardais le violon pour plus tard, toujours plus tard… Et ce plus tard est venu sous la forme d’un « restez chez vous » anxiogène et étrange. Des heures passées sur internet à réfléchir au retour à ce bel instrument après trente années de séparation. La découverte de votre site, le contact téléphonique, le choix et la qualité des instruments… et la chance de trouver une professeure à deux pas de chez moi, voici que ce qui n’était encore il y a trois mois qu’une perspective lointaine est devenu une heureuse réalité.
    J’ai l’impression que je ne suis pas le seul à avoir fait cette démarche. Autour de moi, enfants et adultes se sont lancés enfin dans la guitare, le ukulele, le piano, précisément à cette occasion.
    Je crois à la permanence de la musique, quel que soit le motif qui nous y conduit, et je suis donc plutôt confiant pour l’avenir des luthiers.

    1. Oui, c’est aussi je pense le cas de nombreux musiciens. Il ne faut pas tellement s’en faire, de toute façon rien ne pourra arrêter la musique. Il faudra simplement rester dans l’adaptation à l’évolution de notre société, quitte à devoir se serrer (beaucoup) la ceinture.