Je continue ma série sur « un luthier qui se déplace » pour aborder le cas particulier d’un luthier en Chine. En effet, cette année, je pars deux fois en Chine, et c’est la concrétisation d’un projet qui a démarré en 2017. Pour être plus précis, je partirai en juin à Beijing et en octobre à Shanghai pour participer à des salons professionnels en tant qu’exposant. Cet article ne traitera pas de ce qu’il va se passer cette année, mais plutôt de mes découvertes de l’année dernière alors que j’étais en repérage à Shanghai. Un autre devrait faire suite plus tard !

Un luthier en Chine visite le centre ville de Shanghai.
J’aime cette photo pleine de démesure, c’est ce que l’on ressent lorsqu’on arrive dans ce pays.

Un luthier en Chine (parmi d’autres)

Dans mon titre, j’ai choisi de mentionner que je n’étais pas le seul, car la Chine est sans doute aujourd’hui le pays où il y a le plus de luthiers. L’idée sera de partager avec vous la démesure de cet environnement, à la fois dans la pratique, avec les évènements qui se sont déroulés à Shanghai, mais aussi plus théoriquement en parlant de la Lutherie chinoise en général.

Pourquoi se rendre en Chine quand on est luthier ?

En fait, il y a beaucoup de raisons de vouloir s’y rendre. Pour beaucoup d’entreprises, il s’agit d’un énorme marché avec énormément de clients à atteindre, pour un peu qu’ils s’intéressent à vos produits et qu’ils n’aient pas les même en mieux et moins cher chez eux…

Car d’un autre côté, c’est aussi un lieu incontournable de la production mondiale. C’est en fait un pays qui possède une capacité de production hallucinante d’instruments de musique et de violons.

Au total, la production de violons en Chine est estimé à plus de 1 500 000 pièces par ans. Ces chiffres, se basent uniquement sur les documents douaniers pour l’export, car il est impossible d’obtenir les chiffres de chaque usine. Ils n’incluent donc pas les violons produits et vendus à l’intérieur de l’Empire du Milieu.

Ce nombre impressionnant représente en fait 3/4 de la production annuelle mondiale. Dont près du million d’entre proviennent d’un seul haut-lieu de la lutherie chinoise . De ce fait, Huangqiao, cette fameuse capitale de la lutherie, vient se placer aujourd’hui directement aux côtés de noms connus tel que Crémone, Mirecourt ou Mittenwald. Pourtant, cette ville ne nous est absolument pas familière… Mais qui sait, peut-être que dans quelques années, cette ville de campagne « proche » de Shanghai sera le centre du monde de la lutherie.

Un luthier en Chine arrive en avion
Dès l’arrivée, on sent que ça va être une expérience à part.

Où se rendre en Chine lorsqu’on est luthier ?

Comme la Chine est un immense pays, il y a sûrement beaucoup d’endroits où se rendre qui seraient intéressant du point de vu de la lutherie. Cependant, il y a des portes d’entrées majeures et des lieux de rencontre incontournables.

Les deux premières portes d’entrées sont :

  • Beijing, la capitale du pays et le siège du gouvernement. Avec ses embouteillages et ses lieux touristiques incontournables
  • Shanghai, qui est plutôt la plateforme commerciale ouverte sur le monde et plus cosmopolite.

Toutefois, il est assez difficile, voire impossible de se lancer tête baissée et d’aller rencontrer qui que ce soit sur place sans avoir déjà énormément de relation et de préparation au préalable. C’est ainsi que l’on entendra rapidement parler de « GuanXi » dont le concept est assez fort dans la société chinoise.

C’est pourquoi, les lieux de rencontre dédiés peuvent être très intéressant. Il s’agit en fait de salons professionnels spécialisés dans les instruments de musique. Ils prendront en compte tous les secteurs de l’industrie musicale mais vu l’immensité de ces salons, il y a largement de quoi faire dans le cadre des violons.

Il en existe ainsi plusieurs qui ont lieu un peu partout dans le pays et tout au long de l’année. Par exemple :

Un luthier en Chine visite Music China Shanghai
Les halles qui accueillent l’expo sont gigantesques.

Un luthier à Shanghai

Pour en venir un peu plus au concret, je vais vous raconter comment j’ai commencé à réfléchir aux salons de 2024 en me rendant à Music China Shanghai 2023. Il me paraissait en effet essentiel d’y aller en repérage avant de participer. Un peu de préparation ne fait pas de mal…

Je ne reviendrai pas sur tous les problèmes en rapport avec les visas. Cela a bien failli compromettre toute l’expérience. Mais ça fait parti de l’apprentissage. D’ailleurs, cette année, il y a une exemption de Visa pour nous les français et aussi les luthiers qui veulent aller en Chine.

Se loger à Shanghai

Un luthier en Chine arrive à l'hôtel
Le hall d’entrée de l’hôtel.

Pour se loger à Shanghai lorsque nous sommes pas chinois, il faudra passer par des hôtels qui sont autorisés pour l’accueil des étrangers. Il suffit alors de passer par des plateforme comme Bookings.com pour en faire le tour et réserver sa chambre de touriste. Cela sera généralement assez confortable avec l’assurance d’avoir un service international (au minimum en anglais).

Cette fois, j’ai fait le choix d’un hotel au centre ville pour découvrir un peu la ville. Toutefois, avec l’objectif de préparer les prochains salons en tête, j’ai pu repérer des établissement plus pratiques pour un accès rapide. Ce sera plus reposant après des intenses journées de travail.

Un luthier en Chine trouvera donc sans problème un endroit pour se reposer.

Shanghai Music China

Quelques faits sur Shanghai Music China 2023 :

  • 120 000 m2 d’exposition (12 terrains de foot)
  • Plus de 1800 exposants (tous instruments confondus)
  • Plus de 122 000 visiteurs répartis sur les quatre jours. (Deux fois plus que le NAMM Show et six fois plus que MondoMusica en 2023)

Il s’agit tout simplement du plus grand rendez-vous de l’industrie musicale actuellement. Sa portée ne se limite pas à la Chine, mais couvre le monde entier, en tout cas par ses exposants. Ainsi, pour les luthiers qui veulent se rendre en Chine et aller à la rencontre du marché… C’est une occasion idéale.

Lors de mes rencontres avec CHU Yibing en 2018, nous avions beaucoup parlé de la Chine. À l’époque, il m’avait dit beaucoup de choses très inspirantes et je lui avais promis que nous nous rencontrerions un jour là-bas.

Puis, le COVID arriva… Et le monde fut légèrement différent. Ce qui repoussa l’occasion de près de 3 ans…

les musicales de colmar chu yi bing supercello
Chu Yi-Bing, violoncelliste et fondateur du festival SuperCello à Beijing.

Bref, je m’y suis rendu en visiteur sur les deux jours du week-end et c’était très impressionnant. Voici quelques images de l’évènement :

Les français à Music China

Malgré la période du COVID, qui a largement contribuer à enclaver la Chine, il y avait quand même pas mal de compatriotes sur le salon. Sur ce qui s’appelle le pavillon France, qui est une sorte de regroupement national organisé par le salon, il y avait des marques très connues comme Aubert, Corelli, Despiau ou Coruss. Il y avait également quelques ateliers de lutherie qui exposaient leurs instruments comme l’atelier Pierre Barthel, Dalle-Carbonare, Lourme ou Péguiron.

Ce n’était qu’une année de « reprise » et le futur promet d’être intéressant avec la participation des Ateliers Lutherie d’Art et moi même en octobre prochain. Mais nous en reparlerons plus tard !

L’expérience de la Chine

L’expérience, c’est ce que je voulais emmagasiner durant ce court séjour au salon et en Chine et tout passer en revue pour que cela se passe au mieux lors de ma participation. Ainsi tout est passé en revue : voyages en avion, distance de l’aéroport, passage en douane, contrôles de marchandises, hôtels, restaurants, supermarchés et moyens de locomotion.

Ces informations m’ont été précieuses personnellement. Mais elles m’ont aussi permis de conseiller d’autres entreprises qui souhaitaient tenter l’aventure.

Autrement, je pense faire un article complet sur l’importation / exportation temporaire de marchandise à l’aide de carnets ATA. C’est une opération qui permet de transporter ses marchandises pour des salons ou expositions (par exemple). Il s’agit d’un protocole payant qui permet d’éviter de payer les douanes à l’aller et au retour. Pas forcément évident à mettre à place, c’est néanmoins un outils intéressant qui vaut la peine de s’y attarder.

Un luthier en Chine est dans le metro
Le métro de Shanghai est propre et pratique. Il est aussi assez sûr puisqu’il y a des portiques de contrôle à chaque entrée et tous les bagages passent aux rayons X.

Vivre à Shanghai

Pour ma part, il sera difficile de donner un avis complet sur la vie à Shanghai car je n’y suis à chaque fois que de passage. Mon expérience est donc plus que limitée. Toutefois, il y a pas mal de choses qui ne passent pas inaperçues.

Premièrement, c’est une ville très cosmopolite, cela se voit dans l’architecture et l’influence très européenne qu’il y a eu au cours de l’histoire. Encore aujourd’hui, beaucoup de français vivent là-bas (plus de 5000 suivant les inscrits sur les listes électorales jusqu’à 20 000 selon d’autres sources). Ces expatriés francophones se retrouvent parfois dans des associations comme l’UFE pour avoir du soutien dans leur vie quotidienne et s’adapter à ce nouveau cadre.

D’un autre côté, la vie quotidienne peut être un peu plus délicate lorsque nous sommes de simples visiteurs. En effet, si nous voulons sortir des grands centres touristiques (hôtels et complexes), la réalité nous rattrape brutalement.

Comment payer ?

Par exemple, il est très difficile de payer, et c’est une barrière assez ennuyeuse au jour le jour. En effet, les cartes européennes des grands réseaux habituels (visa, mastercard, amex…) ne fonctionnent pas très bien. Il faudra donc transporter du liquide sur vous en permanence et ce n’est pas toujours accepté. En fait, aujourd’hui, la plupart des chinois paient avec Wechat ou Alipay directement avec leurs téléphone…

Ces solutions ne sont malheureusement pas exploitables sans avoir un compte dans une banque local. Ce qui nous cantonne (pas de jeu de mot) en tant que visiteur/touriste à aller dans des lieux précis et contrôlés.

Bien entendu, la langue aussi est assez difficile d’accès. Toutefois, comme Shanghai a eu beaucoup d’influence européenne et a un flot continu de personnes du monde entier, l’anglais ne pose généralement pas trop de problème.

Un luthier en Chine se déplace en métro
Même prendre le métro peut être difficile en Chine.

Ce qu’un luthier en Chine doit retenir !

En arrivant à la fin de cette article, je voulais simplement vous dire que si vous avez l’occasion de voyager, la Chine peut être une destination de choix. Juste pour la culture et le dépaysement, ce sera un grand bouleversement pour quiconque s’y rend.

Toutefois, si vous souhaitez aller plus loin et y vivre, travailler ou faire des études, ce sera une toute autre expérience. De nombreux français ont fait ce choix et pourront le partager avec vous. De nombreux sites existent avec cette vocation sur la toile.

Et d’un point de vue business ?

Dans le cas où vous souhaitez y faire de la prospection ou vendre vos produits : C’est une autre paire de manche.

Toutefois, nous avons la chance en France d’avoir des partenaires pour réaliser tout un tas de projet à l’international. Notamment la Team France Export qui œuvre au sein des CCI locales et internationales mais aussi la BPI (banque publique d’investissement) qui soutient les projets internationaux grâce à des programmes tels que l’Assurance Prospection.

Cela restera des projets d’envergure qui seront pas simples à mettre en place en partant de zéro. Toutefois, ce sont des aides précieuses pour bâtir ses projets d’export qui serviront volontiers à un luthier en Chine.

Un luthier en Chine retourne vers FUK (Fukuoka)
Pour rentrer, j’ai dû passer par le Japon… Une situation que l’étiquette d’aéroport résume assez bien.

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