sLe violon est souvent mis sur le devant de la scène, présenté comme l’instrument roi. Mais que serait-il sans son fidèle compagnon, l’archet, dont l’importance est capitale dans l’expression virtuose du musicien ? Plus particulièrement, nous allons aborder dans cet article l’endroit où l’étincelle sonore se produit. En effet, le crin est le moteur de la vibration et c’est lui que nous allons observer, depuis sa sélection jusqu’à son installation ! Découvrez le voyage incroyable de la mèche, des grandes steppes d’Asie jusqu’aux grandes salles de concert.
La sélection rigoureuse du crin d’archèterie
Bien que ce ne soit pas toujours vrai, le crin qui constitue les mèches des archets est une fibre d’origine animale. En fait, on le prélève même uniquement sur les chevaux de certaines espèces vivant dans des conditions climatiques bien particulières. Mais les poils qui vont finalement se retrouver sur votre archet sont encore soumis à un tri bien plus strict.
Le crin de chevaux bien particuliers
[pullquote align= »right »]
En français, être comme un crin veut dire être très susceptible. Attention donc à la manière dont vous traitez votre mèche !
[/pullquote]
Le crin est surtout prélevé sur des chevaux issus d’élevages en Mongolie ou Sibérie, mais parfois aussi au Canada. Les espèces natives de ces régions aux climats très froids sont particulièrement rustiques et produisent un crin épais et résistant. Alors que dans nos climats plus tempérés, même les purs-sangs les plus vigoureux ne produiraient pas un poil assez solide.
D’autre part, le crin qui garnit les meilleurs mèches utilisées en archèterie n’est issu que des étalons. En effet, les poils de la queue des juments sont impropres à l’usage. Ceux-ci se détériorent en effet à cause des projections d’urine.
En plus, il faut savoir que la longueur de la queue d’un cheval met environ quinze années à atteindre une taille suffisante pour être installée sur un archet de violon (80cm minimum). Sur de vieux chevaux en bonne santé, cette longueur peut atteindre jusqu’à 150 centimètres !
La mèche a aussi une orientation particulière. Dans la mesure où le crin pousse progressivement, comme nos cheveux, les fibres sont plus vieilles aux pointes qu’à leur base. C’est pour cela qu’on utilise la partie la plus jeune de la queue du côté de la hausse de l’archet : la zone susceptible d’être la plus utilisée.
À propos du crin d’étalons
Bien que l’on ne considère que le crin d’étalon comme propre à l’utilisation en archèterie. Il est pourtant bien rare d’avoir affaire à ce crin. Les chevaux sont issus de l’élevage et le crin est un sous-produit de l’industrie de la viande et laitière. Dans ces conditions, les juments ont plus de valeur puisqu’elles permettent non seulement de fournir le lait, la viande et de servir au renouvellement du troupeau. L’étalon, quant à lui, servira simplement de reproducteur et la parité est loin d’être nécessaire dans ces conditions.
C’est pour cela qu’à l’image de l’élevage bovin en Europe où un taureau est sélectionné pour ses caractéristiques génétiques, il assure la reproduction de dizaines d’animaux. L’étalon qui évitera l’abattoir pour servir de reproducteur sera assez rare.
C’est pour cela qu’on peut supposer qu’on a rarement affaire à du vrai crin d’étalon. C’est en tout cas les réflexions de certains archetiers.
Une couleur de mèche particulière
[pullquote align= »right »]
Moins de 5% du crin récolté est blanc ou beige et pourra servir au reméchage des archets.
[/pullquote]
Comme si le choix n’était pas déjà assez restreint, il n’y a que trois couleurs qui sont utilisées :
- Blanc
- Poivre et sel
- Noir
D’une manière générale, plus le poil est sombre, plus il est grossier, ce qui a pour effet d’obtenir une meilleur accroche sur les cordes graves. Le blanc est le crin le plus fin et on le retrouve principalement sur les violons, altos et violoncelles. Le crin noir est quant à lui presque exclusivement réservé aux archets de contrebasses. La version poivre et sel existe aussi en tant que compromis convenable pour certains musiciens.
Pour ce qui est des meilleurs crins utilisés en archèterie, ils ne sont jamais teints ou blanchis. On peut alors constater certaines variations dans les tons de leurs couleurs. Cependant, certaines mèches qui équipent les archets de basse qualité subissent des bains chimiques pour les décolorer. Mais ces opérations dégradent considérablement leur qualité, c’est pourquoi les luthiers et musiciens les refusent.
Quelques élus seulement finiront sur les archets
[pullquote align= »right »]
Les crins qui garnissent nos archets proviennent d’abattoirs et non pas d’animaux vivants. Il s’agit en fait d’un sous-produit de l’élevage alimentaire, puisque 12kg de viande chevaline par habitant est produite annuellement en Mongolie contre 110g en France.
[/pullquote]
Après sa récolte, des ouvriers inspectent chaque crin individuellement, le triant suivant sa couleur, sa longueur et sa qualité. C’est ainsi qu’une sélection rigoureuse s’opère en écartant la majorité des fibres. Par conséquent, pour une queue de cheval, il ne restera qu’environ 50g de crin utilisable, soit l’équivalent d’environ cinq reméchages d’archet. Les imperfections les plus évidentes s’écartent rapidement, mais le luthier ou l’archetier devra toutefois effectuer lui-même une dernière vérification avant de remécher pour s’assurer de la bonne qualité de son lot.
D’ailleurs seule une infime portion des crins de chevaux s’utilisent en archèterie. La plupart d’entre-eux serviront dans l’artisanat pour produire des objets tel que :
- Meubles et literies
- Bijoux tressés
- Vêtements
- Textiles
- Brosses et pinceaux
- Créer des motifs en Raku
- Confectionner des appâts de pêche
Un aperçu du processus de sélection du crin
[kad_youtube url= »https://www.youtube.com/watch?v=dac8_g0UNnY »]
L’art de l’archèterie
Tout d’abord, il est bon de rappeler que le crin qui équipe les archets n’a pas une durée de vie illimitée. Comme l’explique cet article (quand faire remécher un archet ?) il faudra de temps à autre faire remplacer la mèche. Lorsque on connaît la place critique qu’occupe le choix de celle-ci dans la sonorité son violon, alto ou violoncelle, on devient tout de suite très exigeant quant à la personne qui va effectuer cette opération. En effet, il est inutile de le demander dans un magasin de musique. Vous ne pourrez alors vous adresser qu’à des luthiers ou archetiers compétents dans le domaine. Toutefois, ils ne proposent pas tous des services de reméchage.
Dans tous les cas, le reméchage comporte de nombreux paramètres contrôlables. Il sera peut-être difficile de savoir ce qui est possible ou pas grâce à une mèche différente, mais n’hésitez pas à faire des essais. Le résultat pourrait être surprenant ! Vous pouvez toujours poser vos questions dans un atelier près de chez vous.
N’hésitez pas à partager votre propre expérience en commentaire !
Le crin synthétique
Les fibres synthétiques proposent une nouvelle alternative au crin naturel. Il s’agit d’une option qui a de nombreux détracteurs, qui l’accusent de ne pas fournir les mêmes résultats que leur version animale. Pourtant de même que les instruments ou archets en carbone, il s’agit juste d’un produit différent… Elle suscite néanmoins un vif intérêt chez des musiciens en raison de leur stabilité et de leur constance.
D’un autre côté, les défenseurs de la cause animale seront heureux d’accueillir l’opportunité de ne plus avoir à utiliser une fibre d’origine animale sur leur archet. Si vous voulez en savoir plus sur le crin synthétique, n’hésitez pas à vous renseigner sur le crin Coruss.